Mamounata , jeune maman employée sur un chantier de travaux publics à Manga au Burkina Faso et son enfant gardé à proximité grâce à une crèche mobile créée avec lâaide de la Banque mondiale.Photo: Amina Semlali, Banque mondiale
LES POINTS MARQUANTS
- En 2016, le Burkina Faso a lancé un programme de formations courtes et dâemplois temporaires sur des chantiers publics dont 46 000 jeunes chômeurs ont bénéficié.
- Nâayant pas prévu que de nombreuses femmes postuleraient, le projet sâest rendu compte quâelles devaient souvent jongler entre leur travail et la garde de leurs enfants.
- Un constat qui a inspiré une initiative innovante de crèches mobiles pour accompagner les mamans dâun lieu de travail à un autre. Dâautres pays envisagent maintenant dâadopter ce système facile à mettre en place et efficace.
MANGA, Burkina Faso, le 8 mars 2021âLe goûter vient de se terminer. Repérables à leur fine moustache blanche, les plus gourmands sâattardent à table, siphonnant les dernières gouttes de lait dans leur gobelet et ramassant consciencieusement avec leur doigts potelés les miettes de leur tartine. Mais la majorité de cette ribambelle dâenfants est déjà partie sâactiver à lâombre du grand acacia de la cour.
Hauts comme trois pommes, les uns sâamusent sur le tourniquet, dâautres se lancent un ballon ou jouent les équilibristes perchés sur des pneus vissés au sol. Un petit groupe de filles préfère jouer à la dinette. Les plus timides feuillètent les pages dâun livre ou découvrent, pinceaux en main, le plaisir de gribouiller des traits multicolores sur une feuille de papier. Plus loin, assis en cercle, les plus grands tapent dans leurs mains au son de la nouvelle comptine quâune assistante maternelle est en train de leur apprendre tandis que les plus petits font la sieste.
En somme, des tranches de vie classiques de halte-garderie, à un détail près, cette crèche est itinérante pour permettre aux mamans de ces enfants de travailler sereinement non loin de là , et les accompagne dâun lieu de travail à un autre. Une révolution à Manga, ville de 28 000 habitants située à deux heures de route de Ouagadougou. « Savoir que nos enfants sont en lieu sûr nous permet de travailler en toute confiance et rassure nos maris », explique Minata Dianda, jeune maman dâun enfant de la crèche.

Atelier de peinture à la crèche mobile de Manga, Burkina Faso. © Agence Manivelles, Banque mondiale
Gagner assez dâargent pour élever ses enfants tout en sâoccupant dâeux, une équation compliquée pour les femmes
Tout a commencé en 2016 lorsque le gouvernement a décidé de lancer un programme dâemplois temporaires dans les communes les plus pauvres pour lutter contre le chômage des jeunes. Un phénomène répandu et source de tensions sociales au Burkina Faso, lâun des pays les plus pauvre au monde, où 40 % de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté (établi à 1,9 dollars par jour et par personne) et où la montée de lâinsécurité a créé une crise humanitaire sans précèdent depuis 2016.
Lâobjectif : offrir une formation et des compétences de bases à ces jeunes et les employer pendant six mois sur des chantiers publics dâaménagement urbain et de construction de routes. Un système de loterie est mis en place pour sélectionner les candidats. Curage de caniveaux, désherbage, élagage dâarbres, les tâches sont variées et très physiques.
Pourtant, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à postuler et de fait, à être sélectionnées. Le hic, câest que nombre dâentre elles nâont pas osé dire quâelles étaient enceintes ou avaient des enfants en bas âge et nâavaient pas les moyens de les faire garder, parce que cela les aurait disqualifiées dâoffice.
« On sâest aperçu que les femmes se cachaient et se débrouillaient comme elles le pouvaient pour faire garder leurs enfants », explique Savadogo Ouédraogo, maire du 3e arrondissement de Manga. Un système D rarement idéal. Les sÅurs aînées étaient souvent appelées à surveiller leurs petits frères et sÅurs, passant à côté de leur propre enfance et de leur scolarité. « Sinon, confiés à une parente ou une amie, à proximité des chantiers de construction pour que leurs mères puissent venir les allaiter et sâen occuper à chaque pause, les enfants passaient de longues heures, souvent assis à même le sol en plein soleil ». Une situation dangereuse pour lâenfant et stressante pour la maman.

Barry Aliman, 24 ans, va chercher de l’eau pour sa famille à vélo, son très jeune enfant solidement attaché dans son dos. Au Burkina Faso, de nombreuses femmes ne peuvent pas se reposer sur les halte-garderies classiques compte tenu des difficultés de transport et du temps limité dont elles disposent, surtout lorsque leur bébé doit être allaité. Village de Sorobouly près de Boromo, au Burkina Faso. © Ollivier Girard, CIFOR
Un constat qui déclenche une prise de conscience chez les organisateurs du programme: « Au Burkina Faso, les femmes en âge de travailler peuvent avoir entre 5 et 7 enfants », souligne Rebekka Grun, experte en questions sociales à la Banque mondiale qui a financé le projet dâemploi des jeunes à hauteur de 50 millions de dollars par le biais de son Association internationale de développement. « Sâil est de plus en plus reconnu que le manque de services de garde d’enfants est un des principaux obstacles à la participation des femmes à des emplois salariés, peu de programmes de protection sociale offrent des solutions viables. »
Comme « il faut tout un village pour élever un enfant », lâéquipe du projet décide de créer un groupe de réflexion pour trouver une solution. Il contacte plusieurs ministères concernés, notamment celui de lâéducation, celui des affaires sociales et celui des femmes. Il recrute aussi un expert en développement de la petite enfance et reçoit lâaide de partenaires pour gagner en efficacité. Mais surtout, il invite les mamans employées sur les chantier à exprimer leurs difficultés et leurs besoins. Pour sâadapter au caractère temporaire des emplois et des chantiers, lâidée dâune garderie mobile prend forme et un projet pilote démarre à Manga et dans deux autres communes.

Des bienfaits en cascade pour les enfants, les femmes et la société
Jouer, chanter, interagir, apprendre à parler, développer un système immunitaire solide⦠Beaucoup de choses se jouent dans les 1000 premiers jours de lâenfant. Selon lâUnicef et une multitude de recherches scientifiques, dès les premières années de sa vie, un bébé construit et prépare son avenir. Investir très tôt dans son éveil et sa santé est donc déterminant. En organisant les journées des enfants autour dâactivités ludiques et pédagogiques développées par des spécialistes, les crèches mobiles contribuent à cet éveil et au développement du capital humain. Elles ont également établi une collaboration avec le ministère de la santé et des dispensaires locaux pour suivre la croissance des enfants et les vacciner.
Pour que ces bienfaits se poursuivent au-delà des heures de crèches, le personnel accompagne aussi les parents en leur donnant des conseils en hygiène et en nutrition et sur le bien-être émotionnel de lâenfant. Par ailleurs, les femmes enceintes employées sur les chantiers ont été sélectionnées pour devenir assistantes maternelles et les plus motivées dâentre elles ont reçu une formation nationale simplifiée pour devenir monitrices. « Cela a changé la perception des gens sur le travail de garde dâenfants qui était dévalorisé et rarement rémunéré puisque pas considéré comme une compétence professionnelle », souligne Savadogo Ouédraogo.
Lâesprit plus tranquille, les autres femmes ont gagné en productivité. Elles ont aussi réussi à épargner une bonne partie de leur salaire quâelles ont utilisé pour lancer une activité, une fois leur contrat terminé. Production de beurre de karité ou de savon, commerce de vêtements, préparation et vente de nourriture, salon de couture, élevage dâanimaux, la liste de nouvelles vocation est longue. « Grâce à l’argent que j’ai économisé j’ai pu m’inscrire à un cours de coiffure où jâai appris à tisser et teindre les cheveux. Maintenant, je compte ouvrir mon propre salon », confie Sophie Ilboudo, 34 ans et maman de trois enfants. « Je peux aussi contribuer aux dépenses familiales et grâce à la garderie, j’ai appris à mieux m’occuper de mes enfants. »
La clé du succès : un concept simple, bon marché et facile à reproduire
Des tentes fournies par lâUnicef, quelques meubles, jouets, livres, du matériel de puériculture, le tout chargé sur une remorque tirée par un tricycle pour changer de site  : le gros atout des crèches mobiles, câest quâelles sont faciles à créer et à déplacer. Depuis le succès des trois projets pilotes, le Burkina Faso a renouvelé lâexpériences dans 21 autres communes. Fermées au début de la pandémie de COVID-19, elles ont rouvert en octobre 2020 et accueillent aujourdâhui 1 000 enfants. « Cette expérience nous a montré que si nous voulons mener un développement efficace, nous devons écouter attentivement les bénéficiaires et mener une action plus participative pour comprendre les réalités du terrain et réussir la conception des projets que nous finançons », insiste Rebekka Grun. « Ãa marche tellement bien que nous avons lâintention de faire une vidéo, sorte de mode dâemploi sur comment créer une crèche mobile. »
Le Cameroun nâa pas attendu. Convaincu par ces arguments, il a mis en place avec succès quatre crèches mobiles et prévoit désormais dâen créer une sur tous les chantiers de travaux publics du pays. Bien plus loin, après avoir testé le concept, Madagascar entend lancer 278 crèches mobiles et lâÃthiopie et la République démocratique du Congo suivent également le mouvement.




















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