Réflexion pour une Régularisation des Motos-Taxis en Guinée

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En Guinée, l’insuffisance des infrastructures routières et l’absence de moyens de transport public structurés ont conduit à l’émergence et à la prolifération des motos-taxis comme solution de mobilité indispensable pour une grande partie de la population. Ce mode de transport, bien que vital pour les déplacements quotidiens et l’économie informelle, opère dans un cadre largement non réglementé, entraînant des défis majeurs en termes de sécurité, de professionnalisme et de relations avec les autorités. Les conducteurs sont fréquemment verbalisés, les usagers subissent des interruptions de trajet, et l’ensemble du secteur est perçu comme une source de désordre plutôt qu’une composante intégrée du système de transport urbain.

Ce document de réflexion vise à attirer l’attention des autorités du Ministère des Transports et de la Sécurité sur la nécessité urgente d’une régularisation de ce moyen de transport. Il propose une approche structurée, basée sur l’analyse du contexte guinéen, l’étude des expériences internationales, et l’identification des enjeux spécifiques, afin d’élaborer des recommandations concrètes pour la formation des conducteurs, le zonage des opérations et la catégorisation des services. L’objectif est de transformer le secteur des motos-taxis en une activité organisée, sécurisée et bénéfique pour l’ensemble des citoyens guinéens.

1. Contexte des motos-taxis en Guinée
Les motos-taxis sont devenues un moyen de transport essentiel en Guinée, notamment dans la capitale, Conakry, en raison de l’insuffisance des infrastructures routières et du manque de transports en commun (bus, train, tramway). Ce phénomène, bien que prisé par la population pour sa flexibilité et sa capacité à naviguer dans le trafic, est largement informel et rencontre de nombreux défis.

1.1. Défis et Problématiques
Plusieurs sources indiquent des problèmes liés à cette informalité :

• Arrestations et verbalisations : Les conducteurs sont fréquemment arrêtés et verbalisés, ce qui impacte leurs revenus et interrompt les trajets des usagers.
• Insécurité routière : Le transport informel, y compris les motos-taxis, est souvent associé à l’insécurité routière et à la congestion.
• Manque de régulation : L’absence d’arrêts dédiés et d’un cadre réglementaire clair contribue au chaos et à l’inefficacité du système.
• Interdictions ponctuelles : Des interdictions formelles de circulation des motos-taxis dans certaines zones (comme Kaloum) sont mises en place, mais elles sont souvent contournées ou mal appliquées, créant des désagréments pour les conducteurs et les usagers.

1.2. Importance des motos-taxis
Malgré ces défis, les motos-taxis sont devenues indispensables pour la mobilité des citoyens, en particulier dans les zones enclavées et difficiles d’accès. Elles remplacent progressivement les moyens de transport traditionnels et répondent à une demande de mobilité que le système de transport public actuel ne peut satisfaire.

1.3. Cadre réglementaire existant (limité)
Les informations disponibles suggèrent un cadre réglementaire limité ou inefficace. Des tentatives d’interdiction ou de régulation (comme l’interdiction de la cagoule pour les conducteurs) existent, mais elles ne semblent pas résoudre les problèmes de fond liés à l’informalité et à la sécurité.

Il est clair qu’une réflexion approfondie est nécessaire pour intégrer ce mode de transport dans un système plus structuré et sécurisé, au bénéfice de tous.

2. Étude comparative des solutions internationales
La problématique des motos-taxis n’est pas propre à la Guinée. Plusieurs pays africains ont mis en place ou envisagent des mesures de régulation pour ce secteur. L’analyse de ces expériences offre des pistes précieuses pour l’élaboration d’une stratégie adaptée à la Guinée.

2.1. Exemples de régulation en Afrique
-A Congo : Une réglementation a été mise en place pour renforcer la sécurité et réserver l’activité aux citoyens congolais. Cette mesure vise à professionnaliser le secteur et à garantir une meilleure traçabilité des acteurs.                                                                  – B Kenya (Boda Boda) : Le secteur des boda-boda au Kenya est en pleine mutation. Un projet de loi, le Public Transport Motorcycle Regulation Bill, 2025, est en cours d’élaboration pour réglementer l’activité. Ce projet prévoit notamment des limites de charge (50 kg) pour améliorer la sécurité et réduire les risques d’accidents liés à la surcharge [2]. Les discussions autour de cette loi soulignent la complexité de concilier les impératifs de sécurité avec les réalités socio-économiques des conducteurs.                                         -C Sénégal : Les autorités sénégalaises ont mis l’accent sur l’identification des véhicules. Désormais, l’immatriculation de toutes les motos est obligatoire, sous peine de saisie. Cette mesure vise à lutter contre l’informalité et à faciliter l’identification des conducteurs en cas d’infraction ou d’accident .                                                                                             -D Nigeria (Lagos) : La ville de Lagos a connu des tentatives d’interdiction des motos-taxis, qui se sont heurtées à une forte résistance des conducteurs et à la demande persistante des usagers. Ces expériences montrent que l’interdiction pure et simple est souvent inefficace et peut générer des tensions sociales.                                                    -E Lomé (Togo) : L’émergence des motos-taxis à Lomé est analysée comme une réponse à une double crise : urbaine (manque de transports en commun) et économique (chômage). Ce secteur joue un rôle crucial dans l’absorption de la main-d’œuvre et la facilitation des déplacements, soulignant son importance socio-économique [6].

2.2. Tendances et leçons apprises
Ces exemples mettent en évidence plusieurs tendances et leçons pour la régulation des motos-taxis en Afrique :

• Passage de l’interdiction à la régulation : De nombreuses villes africaines, après avoir tenté d’interdire les motos-taxis, se tournent désormais vers des approches de régulation, reconnaissant leur rôle indispensable dans la mobilité urbaine.
• Priorité à la sécurité : La sécurité routière est une préoccupation majeure, se traduisant par des mesures visant à limiter la surcharge, à exiger le port du casque et à améliorer la formation des conducteurs.
• Formalisation progressive : Les efforts de régulation visent à formaliser le secteur par l’immatriculation des véhicules, la délivrance de permis spécifiques et la création de cadres légaux.
• Prise en compte des enjeux socio-économiques : Les politiques de régulation tentent de concilier les impératifs de sécurité et d’ordre public avec la nécessité de préserver les moyens de subsistance des conducteurs et l’accessibilité du transport pour les populations.

Ces expériences internationales démontrent qu’une approche équilibrée, qui tienne compte des besoins des conducteurs, des usagers et des impératifs de sécurité, est essentielle pour une régularisation réussie. La Guinée peut s’inspirer de ces modèles tout en adaptant les solutions à son contexte spécifique.

La redaction